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Rites funéraires et modes de sépulture : que disent les Français ?

Enquête OpinionWay, sur les Français et l’évolution du Funéraires, pour le Service des Professionnels de l’Information (S.P.I) du diocèse de Paris, réalisée en octobre 2023.

Quelques chiffres

• Si 54% des Français se déclarent croyants, 37% réfèrent leurs croyances aux grandes religions monothéistes et 11% ne savent pas qualifier leur croyance.
• A la question « croyez-vous en l’existence d’une vie après la mort ? » 46% des Français répondent « non ». La réponse varie en fonction des croyances. Les jeunes 18-24 ans sont étonnement plus nombreux que les personnes plus âgées à approuver l’existence d’une vie après la mort.

Les jeunes entrent dans la vie avec l’intuition et l’audace de croire que la vie ne saurait se réduire à l’expérience temporelle et biologique, sans être pour autant une croyance religieuse.

Dans ce contexte, la place et la signification du cimetière méritent d’être interrogées. Le mot « koimeterion » en grec désigne le lieu où l’on dort, en attente de l’heure du réveil de la mort.
• 70% des Français disent se rendre au cimetière, et 34% iront spécifiquement autour de la Toussaint, ce qui est une démarche très significative.
• 65% des Français ont déjà choisi leur mode de sépulture, 57% en ont informé leurs proches et 45% ont fait le choix de l’incinération (crémation).

La crémation est aujourd’hui répandue dans les pratiques funéraires de la population française : 58% des Français ont déjà assisté à une crémation et le désir de recourir à la crémation augmente avec l’âge. Plus on est âgé et plus on souhaite être incinéré : ainsi 65% chez les plus de 65 ans optent pour ce mode de sépulture.

• Une tendance à laquelle les personnes de confessions catholiques n’échappent pas. En effet 47% des personnes catholiques souhaitent être incinérées. L’inhumation perd du terrain jusque parmi les fidèles catholiques avec seulement 33% chez les catholiques pratiquants.
• La préférence pour l’incinération est à 53% (65% chez les plus de 65 ans) pour ne pas être une charge pour la famille après sa mort. C’est aussi perçu comme plus simple (43%) et moins cher (27%).
La crémation est donc admise comme mode de sépulture à 89% et accompagne le deuil aussi bien que l’inhumation pour 73% des Français.
• Seuls 41% des Français estiment important qu’il y ait une cérémonie religieuse à l’occasion de leur décès (83% pour les personnes catholiques pratiquantes), et 58% estiment que ce n’est pas nécessaire.

Ce basculement signifie que d’ici moins de 10 ans, il y aura une majorité de célébrations laïques. De nouvelles formes de cérémonies plus personnalisées, plus créatives permettent de rendre hommage au défunt. L’hommage est la raison principale de la cérémonie, et sans doute estime-t-on, qu’on peut s’attendre à mieux quand on demande une célébration à l’église.

• A la question de savoir si la crémation est trop violente, la réponse est positive à 36% quand on a déjà assisté à une crémation, et positive à 50% quand on n’a jamais assisté. Ces données sont éclairantes. Elles indiquent que « l’expérience de la crémation convertit à la crémation ».

Analyse des tendances
Face à cette tendance lourde vers la crémation que confirme cette enquête, l’Eglise catholique de France vit une sorte de consentement contrarié. Elle accompagne la crémation car il n’y a pas de contre-indications d’ordre théologique, la crémation n’empêchera pas la résurrection mais elle est contrariée car l’inhumation est signifiante d’un point de vue pastoral, et cohérente avec la mise au tombeau du Christ, avec la promesse d’un réveil du sommeil de la mort, que porte le fait de confier le corps du défunt à la terre.

Contrarié également car « nécessité fait loi » ! L’Eglise n’a plus les moyens matériels de réaliser les célébrations et l’accompagnement des familles au cimetière. Cette belle présence revient de plus en plus aux services de pompes funèbres, d’où la nécessité de sensibiliser les diocèses au renouvellement des leurs équipes de funérailles qui accompagnent jusqu’au cimetière, surtout dans les milieux ruraux. Les équipes de laïcs engagées dans la pastorale du deuil sont parfois vieillissantes et la charge émotionnelle y est forte.

La célébration des funérailles reste la dernière pastorale de masse, et plonge au cœur de l’espérance de la victoire de l’amour sur la mort. L’Eglise de France a devant elle une importante réflexion à mener sur les nouvelles manières d’accompagner les personnes en deuil.

Il s’agit plus précisément de comprendre le bouleversement qui s’est produit ces 50 dernières années, autour du récit, du narratif sur la mort et de la fin de vie. Ce récit porte sur la dignité du mourant et la dignité de la dépouille mortelle du défunt que l’Eglise catholique parvenait à diffuser. Il s’agit d’interroger à nouveau la manière dont on se raconte ce que l’on doit faire en ces heures éprouvantes. Nous pourrons conclure en observant que le rituel républicain de commémoration des figures éminentes de la Nation conserve la visibilité du cercueil avec son inhumation dans la crypte du Panthéon. Quand la Nation veut faire mémoire d’un mort, elle n’a pas trouvé d’autre manière que de mimer une mise en terre. Les images font mémoire et les traditions forgent dans les consciences la reconnaissance des vivants envers les morts. La question est bien là : que voulons-nous conserver de ceux qui nous ont quitté et quels sont les signes tangibles qui nous les rappellent ?


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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