1/ Comme chaque année, le pape François adresse un message d’encouragement aux journalistes et à tous les professionnels de l’Information.
Il souligne en particulier cette année l’importance de la rencontre !
Puisque la pandémie a pour effet d’éloigner et d’isoler, François y voit une menace pour la véracité des informations, plus souvent répétées que vérifiées.
Il fait d’une parole de Jésus le coeur de son message : « Viens et vois » (Jn 1,46)
C’est un encouragement très fort à communiquer en rencontrant les personnes
où elles sont et comme elles sont.
« Venir et voir » sera la démarche de toute communication humaine authentique.
Pour raconter la vérité de la vie qui se fait « histoire », il est nécessaire de quitter la présomption commode de « déjà savoir » et d’aller voir, pour être avec les personnes, pour les écouter, recueillir leurs témoignages et se laisser surprendre.
« Venir et voir » est la condition d’une communication honnête,
tant dans la rédaction d’un journal, que dans le monde d’internet, ou dans la communication politique ou sociale.
2/ François n’ignore pas le risque d’une information préfabriquée, autoréférentielle, qui réussit toujours moins à intercepter la vérité des choses et la vie concrète des personnes. Il connaît le risque de ne plus saisir les phénomènes sociaux les plus graves, ou les énergies positives qui viennent de la base de la société.
Une information fabriquée dans les rédactions, devant les ordinateurs et les écrans, à partir des réseaux sociaux, sans sortir dans la rue, sans “user les semelles des chaussures”, sans rencontre des personnes est un effet pervers des innovations technologiques.
Selon lui, un instrument n’est utile que s’il nous pousse à aller et à voir des choses que nous ne saurions pas autrement, s’il met en réseau des connaissances, s’il permet des rencontres qui autrement n’auraient pas lieu.
3/ Dans l’appel de Jésus à ses disciples leur disant : « Venez et voyez » (Jn 1, 39), François discerne une invitation à s’engager dans l’appréciation personnelle. Dans l’évangile, Nathanaël va et voit, et à partir de ce moment, sa vie change. Rien ne vaut une connaissance directe, fruit de l’expérience, et non pas par ouï-dire. Le « viens et vois » est la méthode la plus simple pour connaître une réalité. Pour connaître, il faut rencontrer, permettre que celui qui est en face me parle, laisser son témoignage m’arriver.
4/ François souhaite adresser un merci aux journalistes pour leur courage : le journalisme sert le récit de la réalité, il exige la capacité d’aller là où personne ne va. Il est un déplacement et répond au désir de voir. « Nous devons dire merci au courage et à l’engagement de nombreux professionnels – journalistes, cameramen, monteurs, réalisateurs, qui travaillent souvent en courant de grands risques, si nous connaissons aujourd’hui, par exemple, la difficile condition des minorités persécutées dans diverses parties du monde ; si de nombreux abus et injustices contre les pauvres et contre la création ont été dénoncés ; si tant de guerres oubliées ont été racontées. Ce serait une perte non seulement pour l’information, mais pour toute la société et pour la démocratie si ces voix disparaissaient : un appauvrissement pour notre humanité ».
François évoque même le risque d’une sorte de “double comptabilité” si d’un côté on raconte la pandémie avec les yeux du monde plus riche, et si de l’autre on néglige ceux qui sont tombés dans la précarité.
5/ Dans un contexte d’utilisation massive des réseaux sociaux, François en rappelle les avantages et les dangers. Si la technologie numérique donne la possibilité d’une information directe et rapide, très utile, cet instrument formidable nous rend tous responsables en tant qu’usagers et bénéficiaires. Nous pouvons tous apporter notre contribution citoyenne, en faisant émerger davantage d’histoires, notamment positives.
Mais tous, nous sommes désormais conscients des risques d’une communication privée de vérifications. Nous savons que les nouvelles et les images, sont facilement manipulables. « Cette conscience critique pousse à ne pas diaboliser l’instrument, mais à une plus grande capacité de discernement et à un sens plus mûr de responsabilité, tant lorsque ces contenus se diffusent que lorsqu’ils se reçoivent. Nous sommes tous responsables de la communication que nous faisons, des informations que nous donnons, du contrôle que nous pouvons exercer ensemble sur les fausses nouvelles, en les démasquant. Nous sommes tous appelés à être témoins de la vérité : à aller, voir et partager. »
6/ Rien, conclut François, ne peut jamais complètement remplacer le fait de voir en personne. Certaines choses ne peuvent s’apprendre qu’en en faisant l’expérience. On communique non seulement à travers les paroles, mais aussi avec les yeux, avec le ton de la voix, avec les gestes. (…)
« Ce monde est traversé par une bonne nouvelle », rappelle François, « c’est celle de l’Evangile qui s’est diffusée grâce à des rencontres de personne à personne, de cœur à cœur. C’est lui qui se diffuse encore au cœur des épreuves d’aujourd’hui qui appellent un “surplus” d’humanité et de rencontres » (…)
« Dans nos mains il y a les livres, dans nos yeux il y a les faits », affirmait saint Augustin.
Nos vies, nos existences sont les gardiens de la vérité de la vie du monde, à la fois drame et espérance. C’est pourquoi François exhorte à se pencher à l’écoute des vies, des histoires des personnes. « Le défi qui nous attend est donc celui de communiquer en rencontrant les personnes où elles sont et comme elles sont. »
7/ François termine son message par une belle prière :
Seigneur, enseigne-nous à sortir de nous-mêmes,
et à marcher à la recherche de la vérité.
Enseigne-nous à aller et à voir,
enseigne-nous à écouter,
à ne pas avoir de préjugés,
à ne pas tirer de conclusions hâtives.
Enseigne-nous à aller là où personne ne veut aller,
à prendre le temps de comprendre,
à porter l’attention sur l’essentiel,
à ne pas nous laisser distraire par le superflu,
à distinguer l’apparence trompeuse de la vérité.
Donne-nous la grâce de reconnaître tes demeures dans le monde
et l’honnêteté de raconter ce que nous avons vu.
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