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Le jubilé 2025 pour renaître à l’espérance

Nos années passent, nous partons, les siècles s’écoulent…
Chacun aura été le témoin d’événements importants durant le temps de sa vie.
Chacun pourrait dresser une liste de ces moments qui ont fait l’histoire et resteront dans la mémoire de ceux qui nous succèderont.

Les enfants du baby-boom ont connu les années paradoxales de la croissance, du confort, des premiers pas de l’homme sur la lune, tandis que leurs petits-enfants affrontent des défis écologiques inédits tout en profitant des joies du numérique. Le monde dans lequel nous naissons n’est jamais le même que celui de nos parents : monde en paix ou monde en guerre, essor économique ou crise financière, … Ce monde n’est jamais le même en apparence seulement, car il pose une même question à toutes les générations : pourquoi vivre ?

Les jeunes qui fêteront leur 25ème anniversaire en 2025, n’auront pas vécu le tressaillement du grand passage à l’an 2000, ni la menace du terrorisme islamiste ou l’accélération soudaine des innovations technologiques. Ce monde en perpétuelle transformation impose à chaque nouvelle génération de découvrir l’horizon véritable de cette existence. A quoi rime l’aventure terrestre ? Qui saurait prédire la durée de ses jours ? Si nous devons tous mourir un jour, qu’est-il possible d’espérer ?

Cette question se pose à chaque génération. C’est pourquoi l’Église catholique avançant dans l’histoire au service de la famille humaine, veut offrir à ceux qui cherchent le sens de l’existence, une espérance qui ne déçoit pas. « Spes non confundit », « l’espérance ne déçoit pas » selon les mots de l’apôtre Paul. (Rm 5, 5).

Pour cette raison, tous les 25 ans, l’Église catholique célèbre un Jubilé. Après le grand Jubilé de l’an 2000 sous le pontificat du pape Jean-Paul II, célébrant l’anniversaire de la naissance de Jésus, son successeur le pape François a annoncé le Jubilé de l’année 2025 [1]. Tous les quarts de siècle, l’Église donne une tournure solennelle à ce qu’elle ne cesse d’offrir à tous : le témoignage de l’espérance et l’annonce de l’amour infini dont Dieu nous aime. Ce Jubilé va rappeler à nouveau que ce monde n’est ni le bout ni le tout de notre route. Tous nous sommes appelés à sortir un jour de ce monde, non pour disparaître mais pour entrer dans la vie. Appelés à sortir vivant ! Le Jubilé restaure dans les esprits, le sens de la finalité. Il y a dans notre corps, une finalité qui ne se déduit pas de sa seule visibilité. Une finalité qui ne découle pas de sa matérialité. Le Jubilé rappelle que la finalité de notre corps se reçoit d’une révélation.

L’histoire biblique enseigne que Dieu, pour aider son peuple à ne jamais oublier qu’il vient de Dieu et va vers Dieu, lui avait interdit de travailler un jour. Ce jour fut appelé le jour du sabbat. Cette loi divine instaurait un repos obligatoire. Cela annonçait que notre corps dont nous nous servons pour travailler, devait, plus encore que se reposer de sa fatigue, être soustrait à toute fonction seulement utilitariste. Si nous y songeons, nous employons quotidiennement notre corps de manière intensive pour gagner notre vie, pour gagner le monde, et souvent pour gagner toujours plus d’argent et de gloire. Que fallait-il chercher à gagner que nous ne cherchions plus ? Cette recherche implique de ne pas user de son corps ! Étrange requête … C’est bien-sûr l’esprit qu’il fallait découvrir ! L’interdit du travail qu’imposait le jour du sabbat, revenait à interdire d’utiliser son corps comme un simple outil. En effet, le corps n’est pas un instrument, il est surtout une promesse. Il est le témoin d’une vie qui ne provient pas de ce monde. Le corps est fait pour abriter notre relation avec Dieu. Notre corps comme toute la création n’est pleinement saisissable qu’à partir de sa relation à Dieu, à partir de l’élan d’amour inaugural qui le suscite. Cette relation n’est accessible que par la voie spirituelle. Le sabbat protège ainsi en l’homme la dignité de son esprit ! Librement, s’il le veut bien, l’homme peut s’ouvrir à la Parole divine, à son appel. Il peut répondre à l’Alliance que son Créateur lui offre de sceller pour toujours. Le jour du sabbat, repos du 7ème jour, n’est pas un jour d’activités créatrices comme les jours qui le précèdent. C’est un jour de rencontre en esprit avec l’Auteur de tout ce qui existe. Un jour pour méditer, contempler, prier et tout simplement respirer. Un jour pour s’accomplir dans la rencontre.

A quoi bon posséder le monde, si nous en ignorons le principe essentiel ?

Un jubilé offre un temps pour retrouver le sens de la gratuité de cette vie. Il est aussi le temps pour être libéré de l’emprise de ces faux impératifs qui nous encombrent et nous empêchent de voir et de comprendre combien c’est en demeurant unis à Dieu dès maintenant que nous pourrons sortir vivant de ce monde. Sortir vivant de ce monde ! Contre toute attente, telle est bien notre joyeuse espérance !

Sortir vivant de ce monde !

Cette espérance est révolutionnaire. Et les chrétiens deviennent selon le mot du regretté philosophe Paul Virilio [2], des « révélationnaires ». « Je ne peux pas imaginer ma vie, mon travail, sans ma conversion au Christ, à l’âge de 18 ans » disait-il. « C’est l’essence même de ma vie. Ce que je puise dans le christianisme, c’est la grandeur de l’espérance. »

Le jubilé de l’année 2025 et tous ceux qui lui succéderont en 2050 puis en 2075, - que peu d’entre-nous verrons - offriront l’occasion de redécouvrir l’horizon véritable de la vie mortelle. Dans le texte annonçant cette nouvelle année jubilaire, le pape François formule l’espérance chrétienne : « Je crois à la vie éternelle » [3]. Le verbe « croire » exprime une certitude, un fondement assez solide pour donner à l’existence son orientation décisive. Le Concile œcuménique Vatican II affirme : « Lorsque manquent le support divin et l’espérance de la vie éternelle, la dignité́ de l’homme subit une très grave blessure, comme on le voit souvent aujourd’hui, et l’énigme de la vie et de la mort, de la faute et de la souffrance reste sans solution. Ainsi, trop souvent, les hommes s’abiment dans le désespoir » [4].
Il est effectivement possible de gravement blesser une personne en la privant de son espérance. Priver quelqu’un de la vie éternelle, horizon véritable de sa vie, revient à lui infliger une blessure qui l’aliène ensuite à ce monde terrestre. « Nous avons la certitude » ajoute le Pape François, « que l’histoire de l’humanité́, et celle de chacun, ne se dirige pas vers une impasse ou un abîme obscur, mais qu’elle s’oriente vers la rencontre avec le Seigneur de gloire. Vivons donc dans l’attente de son retour et dans l’espérance de vivre pour toujours en Lui. C’est dans cet esprit que nous faisons nôtre l’émouvante invocation des premiers chrétiens, par laquelle se termine l’Écriture Sainte : « Viens, Seigneur Jésus ! » (Ap 22, 20).

Avec quelques mots simples, le Pape explique en quoi consiste l’espérance chrétienne : « face à la mort, où tout semble finir, nous recevons la certitude que, grâce au Christ, par sa grâce qui nous est communiquée dans le Baptême, « la vie n’est pas détruite, elle est transformée » [5] pour toujours. Dans le Baptême, en effet, ensevelis avec le Christ, nous recevons en Lui, ressuscité, le don d’une vie nouvelle qui brise le mur de la mort et en fait un passage vers l’éternité́. »

« Pendant longtemps, les chrétiens ont construit les fonts baptismaux en forme octogonale » rappelle François, « et, aujourd’hui encore, nous pouvons admirer de nombreux baptistères anciens qui conservent cette forme, comme à Rome, à Saint-Jean-de-Latran. Cela indique que, dans les fonts baptismaux, un huitième jour est inauguré́, le jour de la résurrection, le jour qui dépasse le rythme habituel marqué par l’échéance hebdomadaire, ouvrant ainsi le cycle du temps à la dimension de l’éternité́, à la vie qui dure pour toujours. Tel est le but vers lequel nous tendons dans notre pèlerinage terrestre (cf. Rm 6, 22). »

Le monde aux allures cycliques que nous voyons, s’offre à la liberté humaine pour qu’elle en découvre son auteur que nous ne voyons pas, son amour que nous respirons progressivement. Cette alliance intime au 7ème jour, un jour sans soir ni matin, accomplit notre liberté dans la vérité et la fait entrer dans un 8ème jour aux allures d’éternité. Le sens de la vie apparaît ainsi dans l’Alliance.

« Qu’adviendra-t-il donc de nous après la mort ? Avec Jésus, au-delà du seuil, il y a la vie éternelle qui consiste dans la pleine communion avec Dieu, dans la contemplation et la participation à son amour infini. Ce que nous vivons aujourd’hui dans l’espérance, nous le verrons alors dans la réalité́. Saint Augustin écrivait à ce propos : « Quand je te serai uni de tout moi-même, plus de douleur alors, plus de travail ; ma vie sera toute vivante, étant toute pleine de toi  » [6]. Qu’est-ce qui caractérisera alors cette plénitude de communion ? Le fait d’être heureux. Le bonheur est la vocation de l’être humain, un objectif qui concerne chacun. (…) un bonheur qui s’accomplisse définitivement dans ce qui nous épanouit, c’est-à-dire dans l’amour, afin que nous puissions dire, dès maintenant : Je suis aimé, donc j’existe ; et j’existerai toujours dans l’Amour qui ne déçoit pas et dont rien ni personne ne pourra jamais me séparer. » [7]

Si l’amour est bien au commencement et au terme de notre vie, alors l’amour nous jugera. Un jugement qui, dit François, « doit être compris comme un rapport de vérité avec Dieu-amour et avec soi-même dans le mystère insondable de la miséricorde divine  ». Comme l’écrivait Benoît XVI : « Au moment du Jugement, nous expérimentons et nous accueillons cette domination de son amour sur tout le mal dans le monde et en nous. La souffrance de l’amour devient notre salut et notre joie  » [8]. Le jugement est donc destiné à nous ouvrir à la rencontre ultime avec Lui. Et puisque, dans ce contexte, on ne peut pas penser que le mal commis reste caché, celui-ci a besoin d’être purifié pour permettre le passage définitif dans l’amour de Dieu. En ce sens, on comprend la nécessité́ de prier pour ceux qui ont achevé leur parcours terrestre, la solidarité dans l’intercession priante qui puise son efficacité́ dans la communion des saints, dans le lien commun qui nous unit dans le Christ, premier-né de la création.  » [9]

L’année 2025 sera une grande année de réveil spirituel. À travers l’instauration des jubilés, il nous est rappelé qu’en dernière analyse, le temps a pour fonction essentielle la croissance de la vie de l’esprit. Si bien qu’en tout instant et à chaque instant, une porte peut s’ouvrir laissant entrer en nous la lumière de l’éternité.

Nos années passent, les siècles s’écoulent, et dans le souffle de l’Esprit, l’espérance prend racine, l’homme intérieur s’éveille.

Il sortira vivant de ce monde !

Notes :

[3Spes non confundit, Bulle d’indiction du Jubilé Ordinaire 2025, n°19 ; Symbole des Apôtres

[4Concile Vatican II, Gaudium et spes, n° 21.

[5Missel Romain, Préface des défunts I.

[6Saint Augustin, Confessions, X, 28.

[7Spes non confundit, Bulle d’indiction du Jubilé Ordinaire 2025, n°21

[8Benoit XVI, Lettre encyclique Spe salvi, n° 47.

[9Spes non confundit, Bulle d’indiction du Jubilé Ordinaire 2025, n°22


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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