Le Secours Catholique-Caritas France a publié le jeudi 18 novembre son rapport annuel État de la pauvreté en France 2021. Il s’accompagne d’un plaidoyer pour un accès digne et pérenne à une alimentation durable et de qualité pour tous. Les constats et les analyses sur la précarité sont issus de l’observation de plus de 38 800 situations sur l’ensemble du territoire national. Le rapport met en lumière les nouvelles vulnérabilités de notre société, après que la pandémie a fait apparaître des pauvretés déjà présentes mais peu visibles. Le Secours Catholique alerte donc sur la dégradation du niveau de vie des plus pauvres.
Rappelons à titre d’information que la faim comme la sous-alimentation, peuvent être définies comme « la situation dans laquelle la consommation alimentaire habituelle d’un individu est insuffisante pour fournir, en moyenne, l’apport énergétique alimentaire nécessaire à une vie normale, active et saine ». L’insécurité alimentaire quant à elle renvoie à « un accès à la nourriture limité, au niveau des individus ou des ménages, en raison d’un manque de ressources financières ou d’autres ressources ». Ainsi, 2,37 milliards de personnes dans le monde n’ont pas un accès suffisant à la nourriture. Selon le dernier rapport de cinq agences onusiennes, entre 720 et 811 millions de personnes souffraient de la faim en 2020, soit 161 millions d’êtres humains de plus qu’en 2019. Plus de la moitié des personnes touchées vivent en Asie (418 millions) et plus d’un tiers en Afrique (282 millions).
L’insécurité alimentaire est une réalité pour des millions de Français. Il est nécessaire que tous les Français en prennent conscience. De même, il est nécessaire que tous sachent que les privations devenues quotidiennes ont pour cause principale l’insuffisance et l’instabilité des ressources. Le manque d’argent est bien la première cause des difficultés en matière d’alimentation, et renvoie à l’insuffisance des minima sociaux et des revenus en bas de l’échelle sociale.
En 2020, en France, entre 5 et 7 millions de personnes ont eu besoin de recourir à l’aide alimentaire. C’est une humiliation infligée à près de 10 % de la population. Les jeunes et les familles viennent grossir les rangs des populations aidées. Par ailleurs en 2020, 30 % des jeunes de moins de 20 ans étaient logés dans des conditions précaires, contre 13 % en 2010.
Comment pouvons-nous nous satisfaire d’une situation qui se dégrade d’année en année ? Cette réalité est incompatible avec l’égale dignité des personnes et avec le principe de fraternité.
Les élans de solidarité ne peuvent durablement suppléer aux effets d’un modèle de consommation qui produit structurellement de l’exclusion. L’alimentation low-cost ne peut se substituer à des politiques sociales plus généreuses. « À la place d’un revenu minimum adéquat, d’aides sociales suffisantes, d’allocations familiales plus généreuses... on fournit une alimentation à bas prix. Or ce n’est pas une solution, car cela rend les gens malades. Tous les indicateurs le montrent : c’est pour les populations précarisées que l’impact de l’alimentation sur la santé est le plus fort » écrit Olivier De Schutter, universitaire spécialiste des questions de pauvreté et d’alimentation.
Comment favoriser l’accès de tous à une alimentation saine, durable et de qualité, sinon par des réformes courageuses ? Cela suppose un ensemble de propositions politiques, pour aller vers des solutions systémiques, bâties à partir des territoires et avec les personnes concernées.
Si le choc de la pandémie a souvent aggravé les difficultés des personnes déjà en situation de pauvreté, il a renforcé la pauvreté des personnes exclues du système de solidarité, qui subsistent seulement grâce à l’économie informelle.
Les réponses ponctuelles, adaptées pour l’urgence, ne permettent pas de traiter les enjeux structurels. « Tacitement, notre pays a choisi d’industrialiser les distributions de denrées plutôt que l’accès digne de tous à l’alimentation, l’hébergement ou les nuitées d’hôtel plutôt que le droit au logement, les aides ponctuelles aux ménages pauvres plutôt qu’un revenu minimum permettant de ne pas avoir à choisir entre les loisirs des enfants, le chauffage et l’alimentation » expliquent Véronique Devise, présidente du Secours Catholique et Vincent Destival, délégué général.
La crise sanitaire a aussi rappelé combien notre pays est capable de solidarité, de générosité, de fraternité. Cette fraternité inscrite dans notre devise nous invite à faire bien plus que mettre des pansements sur la pauvreté. Et si en 2022, la fraternité devenait la boussole de nos choix politiques ?