François, serviteur de l’espérance et de la fraternité

A quelques jours de la venue du Pape François à Marseille, pour l’assemblée des évêques de la Méditerranée, il est bon de rappeler qui est le Pape afin d’éviter l’écueil de commentaires à la tonalité seulement politique, voire politicienne. Face aux crises migratoires, économiques et écologiques, les politiques menées par les Etats montrent leurs impuissances. La voix du Pape François suggérant des dispositions est souvent prise pour celle d’un responsable politique parmi les autres. Il n’en est rien. Sa parole critique et prophétique n’est pas un programme, mais un appel. Sa vision des défis à relever ne saurait contraindre quiconque. Elle éveille la conscience à ce qu’on ne voudrait pas voir, ni comprendre. Si sa liberté de parole est jugée agaçante, utopique, voire dangereuse, c’est qu’elle est reçue sur le seul mode de la mise en pratique, et non au niveau de la réflexion éthique. Ce qui relève des seules autorités politiques à court terme ne disqualifie pas pour autant une approche résolument novatrice et audacieuse à long terme. La présence du Pape à Marseille peut déjà se comprendre à la lumière des paroles prononcées à l’occasion de sa venue à Lisbonne au Portugal en août 2023. Il disait : « Nous savons aujourd’hui que les grandes questions sont mondiales, alors que nous faisons souvent l’expérience de l’inefficacité à y répondre, précisément parce que, face aux problèmes communs, le monde est divisé, ou du moins pas assez uni, incapable d’affronter en commun ce qui met le monde en crise. Il semble que les injustices planétaires, les guerres, les crises climatiques et migratoires aillent plus vite que la capacité, et souvent la volonté, de faire face ensemble à ces défis. (…) de l’Europe, la vraie, le monde a besoin : il a besoin de son rôle de bâtisseur de ponts et d’artisan de paix dans sa partie orientale, en Méditerranée, en Afrique et au Moyen-Orient [1] ».
Le Pape François regarde la Méditerranée comme une matrice d’unité. En prenant appui sur ses rivages qui unissent des pays si différents, François souhaite rappeler que les divisions ne sont jamais sans effet, et qu’elles deviennent un facteur aggravant des problèmes qu’il s’agit de résoudre, car on ne peut les résoudre qu’ensemble. Les divisions sont le carburant de la misère des hommes. François ajoutait ce qu’il est le seul à oser dire : « la technologie, qui a marqué le progrès et globalisé le monde, ne suffit pas à elle seule ; moins encore les armes les plus sophistiquées qui ne sont en rien des investissements pour l’avenir, mais qui appauvrissent le véritable capital humain, celui de l’éducation, de la santé, de la protection sociale. Il est inquiétant de lire qu’en de nombreux endroits l’on investit continuellement des fonds dans les armes plutôt que dans l’avenir des enfants ».
Le Pape François est avant tout un responsable religieux au service de la famille humaine, de son unité et de la fraternité qu’elle est appelé à faire naître. La réduction de la parole du Pape à la seule dimension d’un responsable politique fait perdre la nécessaire espérance qu’il incarne. Il exhorte à « une bonne politique qui peut être génératrice d’espérance (…), qui peut corriger les déséquilibres économiques » mais il ne fait pas la politique des Etats à leur place. C’est précisément ce jeu de latence entre le discours du Pape et la réponse des gouvernements que les commentaires médiatiques ont le plus de mal à saisir. « Dans le contexte général d’une mondialisation qui nous rapproche, ne procurant pas cependant de proximité fraternelle, nous sommes tous appelés à cultiver le sens de la communauté, en commençant par la recherche de celui qui habite à côté. » La parole du Pape retentit comme un appel. En venant aux Rencontres Méditerranéennes, fidèle au service de la fraternité, François souhaite que de cimetière la méditerranée devienne « mer de la fraternité » ! « Elle sait que le chemin sera long, expliquait Mgr Jean-Marc Aveline [2] « mais plus encore qu’un rêve, c’est son espérance ».

[1François, Discours au Président de la République portugaise, S.E. M. Marcelo Rebelo de Sousa, et aux autorités civiles et diplomatiques du pays, 2 août 2023

François, serviteur de l'espérance et de la fraternité

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