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Léon XIV et la capture des médias

Hier vigie de la démocratie, la presse se voit peu à peu soumise aux puissances économiques. Ce qui devait rester un contre-pouvoir devient un instrument du pouvoir et l’idéal d’un journalisme libre s’efface dans un paysage polarisé. Certains médias agissent désormais comme des acteurs politiques et leurs rédactions, sans doute soumises à des instructions, ne sont plus que des relais d’opinion. La parole s’y trouve calibrée, uniformisée et martelée.

Conscient de cette dérive, le pape Léon XIV a lancé un appel vibrant aux journalistes [1], le 9 octobre dernier : « Le secteur de la communication ne peut pas et ne doit pas séparer son travail du partage de la vérité. La transparence des sources, la responsabilité, la qualité et l’objectivité sont les clés pour restaurer le rôle des citoyens en tant que protagonistes du système, les convaincre d’exiger des informations dignes de ce nom. Je vous exhorte : ne vendez jamais votre autorité ! »

La capture des médias s’opère par une appropriation méthodique des organes d’information par des milieux d’affaires aux ambitions politiques. À mesure que les grandes fortunes s’emparent des journaux, des chaînes et des maisons d’édition, la pression s’intensifie. Les postures s’accentuent et la violence se désinhibe. Ces nouveaux maîtres installent leurs fidèles, achètent la bienveillance, et tournent en dérision les voix dissidentes.

Dans un tel contexte, il convient de souligner que les journalistes ne sont pas des militants : ils rendent audible ce que d’autres voudraient taire. Comme le rappelait Léon XIV, ils sont appelés à être une « barrière contre le mensonge et un rempart de civilité contre les sables mouvants de l’approximation et de la post-vérité. »

Entre les influences politiques des gouvernants et l’assaut des réseaux des puissances financières privées, souvent alignées sur des positions extrêmes, les médias risquent d’œuvrer à leur propre discrédit. C’est alors la santé du corps social qui se dégrade. Au nom de la liberté d’informer, une guerre d’opinions s’installe. Les médias deviennent des chambres d’écho populistes où ne subsiste que l’illusion du dialogue. Face à cette guerre de la désinformation, Léon XIV rappelle que « le libre accès à l’information est un pilier de nos sociétés ». Il invite à libérer la communication de la pensée qui la corrompt. Privés d’informations fiables, les citoyens cessent de juger par eux-mêmes. L’hystérisation du débat excite les émotions et affaiblit la raison. Peu à peu, la confiance s’érode et la démocratie vacille.

Les technologies numériques créent de nouveaux rapports de force. Sous des apparences de modernité, elles captent l’attention et conditionnent la pensée. Léon XIV met en garde : « Les algorithmes changent notre façon de communiquer… mais qui les contrôle et à quelles fins ? Nous devons être vigilants afin de faire en sorte que la technologie ne remplace pas les êtres humains, et que l’information et les algorithmes qui la gouvernent aujourd’hui ne soient pas entre les mains de quelques-uns. »

Face à la dérive oligarchique du système médiatique, il faut bien mesurer la fragilité de la démocratie numérique. Toute démocratie ne vit que par des citoyens responsables, attachés à la vérité de l’information et à l’unité du pays. Afin de retrouver la confiance, il est nécessaire de garantir l’indépendance des rédactions, la transparence des financements et la protection des journalistes contre toute ingérence. De plus en plus nombreux sont ceux qui se trouvent la cible de campagnes de dénigrement, de cyberharcèlement, voire de menaces physiques. Ces attaques ne visent pas seulement des individus : elles menacent la liberté de tous. En frappant le messager, on tente de faire taire le message. Seule une presse libre donne du souffle à la démocratie. Elle ne peut survivre si la vérité n’est pas recherchée pour elle-même, et non dictée par des intérêts. L’asservissement de la presse précède toujours celui des peuples.

Léon XIV a ainsi rappelé que « le monde a besoin d’informations libres, rigoureuses et objectives. » Et il a repris l’avertissement d’Hannah Arendt : « le sujet idéal du régime totalitaire n’est pas le nazi convaincu ou le communiste convaincu, mais les gens pour qui la distinction entre le fait et la fiction et la distinction entre vrai et faux n’existe plus (Les origines du totalitarisme, 474). « Les médias ont un rôle crucial à jouer dans la formation des consciences et l’aide à la pensée critique. » Le Pape trace ainsi le cap de son attention aux médias : la vérité est fragile, mais elle est la seule gardienne de notre liberté.

Notes :

[1Pape Léon XIV, aux membres de l’Association Internationale MINDS, Jeudi 9 octobre 2025


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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