Alors que l’ensemble des pays du monde restent confrontés à l’épidémie de Covid qui marquera ce siècle, il est possible d’identifier que pas moins de sept défis attendent l’humanité à la sortie de son épreuve sanitaire.
Le premier est le défi que nous pouvons appeler anthropologique. L’interprétation et la gestion de l’humain sont arrivées à un point de rupture, même si nous ne le réalisons probablement pas assez.
Ce qui est en jeu, c’est de savoir « qui est l’être humain » : d’où vient-il et où va-t-il ?
Cette question implique la signification du féminin et du masculin, de l’identité de chacun et de la relation entre les deux, la question du genre, le phénomène des trans-identités.
Le second défi, pour le dire avec les mots du Pape Benoît XVI, est que le projet créateur de Dieu est remis en cause, c’est-à-dire que l’on veut intervenir avec agressivité sur l’ADN de la création, sur le début et la fin de la vie : l’ingénierie génétique, la cybernétique, la biologie de synthèses, la robotique, l’intelligence artificielle... Le pouvoir technique de l’homme sur le monde semble plus exaltant que la réception d’un monde à contempler.
Un troisième défi est celui du pluralisme culturel, de l’unité dans la différence qui, en soi, marque la civilisation humaine au niveau personnel, socio-culturel, socio-politique et religieux. Les moyens seulement rationnels, techniques et juridiques à notre disposition ne suffisent pas à réaliser la pleine unité de la famille humaine. Il va falloir intégrer d’autres éléments pour réguler la vie sociale et cimenter l’unité : la fraternité et l’amitié sociale.
Un quatrième défi, lié à celui ouvert par le brassage des peuples et des sociétés, est le phénomène migratoire. Il est, pour le pape François, « le signe majeur de notre époque » et atteste d’une profonde transformation en cours.
Le cinquième défi est culturel et religieux sous le signe de l’indifférence éthique. Nous assistons comme à une sorte d’apathie, une indifférence envers l’existence de la vérité. Que l’on soit croyant ou pas, Dieu était le synonyme d’une vérité transcendante qui ne dépend pas de l’homme ; aujourd’hui, cette question de l’existence de Dieu ou d’une vérité transcendante semble sans importance.
Un sixième défi est social et environnemental. La question sociale est liée à la question environnementale. Le cri de la terre qui souffre et le cri des pauvres sont un même cri. Parce que « tout est lié », il faut veiller ensemble à la protection de la nature, au soin des créatures et au souci des plus pauvres. En blessant la nature, l’humanité se blesse elle-même et provoque exclusion et pauvreté. Ainsi, la protection de l’environnement et l’amour des pauvres sont des réalités inséparables. La dégradation de l’environnement et la souffrance des pauvres semblent bien les symptômes visibles d’un même dérèglement qui est lui d’ordre spirituel.
Un septième défi, spécifique à l’Occident, est probablement l’effacement du christianisme. Face à un tel déclin de nombreux sociologues le voient s’éteindre ou rester en condition de diaspora. Ce qui est mis en évidence par la quantité d’édifices religieux qui ferment leurs portes dans tous les pays européens.
En France, la population est passée de 42 millions en 1950, largement de confession chrétienne, à 66 millions en 2020 dont moins de 10% seulement fréquentent les églises.
C’est bien une disparition de ce qui reste de la « chrétienté » entendue comme fait public. Le lien entre les institutions religieuses et les institutions politiques qui avait façonné toutes les sociétés européennes depuis des siècles, s’est comme anémié. Le discours scientifique a pris la place du conseil du pouvoir.
Les modes de vie, l’éducation des enfants, les valeurs publiques ne portent plus de référence à des valeurs chrétiennes. La société s’est émancipée de toute référence religieuse, à mesure que l’autorité technique et scientifique prenait la place du discours philosophique et symbolique.
Notre époque se caractérise donc par l’apparente inutilité des religions.
Pour autant la société n’est pas moins face à l’angoisse de la mort, à la violence et aux divisions, et à l’aliénation aux technologies qu’ils éprouvent comme déshumanisantes…
Sommes-nous assez déshumanisés pour chercher enfin ce qui nous rend vraiment humains ?
Et si le plus beau défi à relever consistait à redécouvrir le propre de l’humanité !
Dans ce contexte, quel rôle les religions peuvent-elles encore trouver ? Quel rôle les rencontres, les amitiés, les échanges philosophiques peuvent-ils jouer ? Notre avenir est directement lié à notre capacité de préserver en toute personne ce qui fonde sa dignité, son environnement familial et social et ses besoins de développements.
Ces sept défis sont autant de clés qui attestent de la vocation spécifique de la personne humaine. Si personne ne reste en ce monde, car ce monde n’est pas un lieu où l’on reste mais un lieu où l’on passe, la vie humaine n’est pas tant une durée qu’un devenir. Ces sept défis nous interrogent sur l’énigme du devenir de l’homme, dont la mort terrestre ne saurait constituer l’abolition définitive, mais seulement la promesse d’un ultime dépassement.