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Pour que vive une démocratie

La démocratie est un système d’organisation politique qui honore la participation des citoyens au choix des projets politiques et à la désignation des personnes qui les incarnent. Elle repose sur la conjugaison de trois facteurs :

D’abord la confiance a priori de la capacité de chaque votant de discerner le meilleur projet politique pour son pays. C’est la conviction que s’exerce dans les consciences une capacité à déterminer le bien, à la fois bien personnel et bien commun.

Ensuite, la liberté de la conscience des citoyens disposant du droit de prendre part au vote. C’est la possibilité de se forger librement son opinion et d’exprimer son choix sans contrainte.

Enfin, l’acceptation par l’ensemble de la société d’un résultat imprévisible que l’ensemble des électeurs respecte et ratifie.

Ainsi pour que vive la démocratie, il faut à la fois l’estime du discernement de chacun, le respect des libertés d’opinion et la capacité de transcender son opinion personnelle. Le système démocratique fait donc le pari audacieux de l’engagement de chaque électeur en conscience. Il postule un désir spontané du bien commun et mobilise les subjectivités, les ressources intellectuelles et spirituelles des votants. Le résultat des urnes est censé exprimer l’issue de ce processus politique.

Où en sommes-nous dans notre éducation à la vie démocratique, dans nos pratiques de délibération ?

La démocratie suppose encore que les votants aient pris leur propre part dans la réalisation du processus. Se sentent-ils effectivement concernés ? Se sont-ils correctement informés ? Sont-ils demeurés libres dans l’expression de leur choix ?
Ces trois niveaux de responsabilité des votants sont gravement affectés par notre modernité technique. Et voici pourquoi :

Tout d’abord parce que l’individualisme consumériste a progressivement éloigné les citoyens du primat du bien commun. La délégation de pouvoir a conduit à se délester de ses responsabilités, et les déceptions successives comme les trahisons politiques, ont eu raison de ce qu’il restait de confiance en l’effectivité du système représentatif.

Ensuite parce que l’accélération des cadences de l’information par les technologies affecte la sensibilisation aux enjeux. S’informer correctement demande de prendre du temps et l’effort d’appliquer son intelligence à des domaines parfois très complexes. Or la curiosité et l’attente des électeurs s’érodent. C’est pourtant sur cette base seulement qu’un réel discernement peut se réaliser. Une démocratie ne peut se prévaloir de sa vitalité qu’à raison d’un peuple informé et conscient.

Mais c’est sur un troisième aspect que la faille démocratique est la plus notable. C’est la perte progressive de la liberté effective des consciences. L’irruption des technologies de l’information et en particulier des réseaux sociaux a bouleversé les fondements du fragile mécanisme démocratique. En diffusant à très haute fréquence des messages, la machine numérique non seulement sature la disponibilité mentale, mais encore brouille les représentations du monde réel. Le monde vu à travers le prisme des écrans est un monde parcellaire, cadré et soumis à tous les filtres possibles. L’activité du discernement sur lequel repose le choix démocratique en est altéré. C’est si vrai que les Etats n’hésitent plus (et ne s’en cachent pas) à recourir massivement à ces outils pour façonner et contrôler les opinions. « Jacques Ellul a montré qu’en recourant à cette technique de manipulation, ils vidaient la démocratie de sa substance éthique » [1].
Le nouveau pouvoir numérique est sans égard pour le respect des consciences et le pouvoir politique devenu irrésistiblement otage du pouvoir des outils numériques aura lui-même miné de l’intérieur le processus démocratique. Le pouvoir d’influer sur les consciences ne s’est-il pas substitué à la volonté d’informer, de mobiliser la capacité de discerner le vrai bien ?

Ces trois difficultés largement connues des acteurs de la vie sociale, médiatique et politique, emportent des effets de découragement, de démobilisation et font entrer le système en crise. C’est pourquoi il semble nécessaire de rappeler qu’il n’y a pas de démocratie sans vie spirituelle. Spirituelle en ce qu’elle postule que tous les électeurs souhaitent œuvrer au bien, le sien et le bien commun, inséparablement. Si la démocratie est en principe plus risquée dans le résultat des votes, si elle s’expose à l’inattendu de suffrages, elle demeure le système le plus à la hauteur de la dignité de la conscience des personnes qu’elle convoque. Elle suppose donc une formation solide et une attention permanente à la liberté des consciences.

A quelques jours de l’élection présidentielle, souhaitons qu’un sursaut spirituel permette au système démocratique de survivre à la pression technologique, au découragement démocratique. Dans le contexte de tensions internationales majeures que nous connaissons, il est urgent que les Français saisissent combien la démocratie doit être défendue. Le niveau de participation aux prochaines élections en France sonnera l’heure de vérité pour sa démocratie.


Père Laurent Stalla-Bourdillon

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